« Union sacrée : OUI ! Division sacrée : NON ! » lâche Abbé José Mpundu lors de la commémoration des martyrs de 16 février

                   Ce mardi 16 février, en collaboration avec le « Collectif du 16 février », Mr l’abbé José Mpundu a tenu une conférence en la salle Père Boka au Centre d’Etudes Pour l’Action Sociale (CEPAS). En présence de l’évêque d’Idiofa, Monseigneur José Moko, la commémoration du 29ème anniversaire a été l’occasion pour l’orateur du jour, l’abbé José Mpundu pour à la fois dresser tous les contours historiques de la survenue de cette grande manifestation de revendication populaire teintée d’une aura citoyenne, citoyenne et laïque, et plus qu’œcuménique car ayant  aligné catholiques, protestants, musulmans, croyants d’autres bords, mais aussi des non croyants.

                    José Mpundu a coup sur coup dénoncé les pratiques totalitaire de la nébuleuse « Autorité Morale » si d’actualité dans notre espace politique. Il n’a pas manqué de décrier l’aveuglement dont fait montre la classe politique qui ne fait que tourner en rond en passant à côté des véritables enjeux.

                      Dans une démarche de restitution historique, le prélat a d’abord tenu à repréciser que cette marche n’était pas son initiative, et qu’il n’y a été convié qu’en une phase déjà avancé, mais que lui, y a beaucoup plus participé en enseignant aux initiateurs les notions, si pas la catéchèse de la « non-violence évangélique ». Au plus fort de son argumentaire, l’ancien membre du « Groupe Amos »  a indexé le manque de leadership véritable sur le chef n’a pas aussi mâché ses mots pour fustiger l’attitude de la hiérarchie ecclésiale, les évêques congolais qui, la veille même de cette marche avaient sévèrement mis en garde les organisateurs, en leur disant clairement qu’eux, les évêques étaient contre cette marche. Mais, elle eut bel et bien lieu, cette marche, et elle fit bouger les lignes de la marche politique et sociale de notre pays, et aujourd’hui tout ce que nous vivons n’en ai que l’émanation. L’Eglise doit donc faire fort pour briser le clivage « Eglise d’en haut et Eglise d’en bas », poursuivit le prélat tout en recadrant que l’Eglise n’est pas synonyme du clergé, que le Christ lui-même n’avait institué une église faite en communauté de croyants.  Pour agir, les laïcs ne doivent pas attendre le quitus du clergé. Ce discours, on s’en doute, qui ne peut passer devant l’establishment catholique, fait partie du franc parler de l’apôtre de la non-violence évangélique et qui lui des farouches inimitiés tant au niveau du clergé n’a pourtant jamais arrêté sa fougue pastorale.

                         Et l’on comprendra mieux, combien l’ancien curé de Saint Alphonse après avoir encouragé certains progrès observables n’a pas ménagé les actuelles autorités politiques qui essaieraient, selon ses dires de perpétuer le capitalisme libéral en vogue qui instaure le primat de l’avoir sur l’être. « Il faut beaucoup d’autres 16 février, clame-t-il, pour aller jusqu’au bout du combat ».

Mise en garde contre une stratégie de multiplication de marches

L’abbé José Mpundu l’a clairement signifié en déclarant : « Pas nécessairement tout le temps des marches, sortir de la rue, beaucoup d’autres 16 février  signifie qu’il faut continuer la lutte de libération de notre pays jusqu’à la victoire finale.

Notre pays n’est pas libre

Sans ambages, l’abbé lâche : « … au-delà des faits historiques, il y a un élément important, c’est que notre pays n’est pas libre. Notre pays est encore asservi. Et ça c’est la réalité que nous ne pouvons pas ignorer. On ne peut pas se voiler la face et faire comme si…

Les 3 piliers de la réussite de la marche de 12 février 1992

Une fois encore, le prélat met sa casquette de pédagogue pour  tirer le meilleur de la pénible expérience des marcheurs d’il y a 29 ans. « Pour que cette lutte continue jusqu’à la victoire, il nous faut faire ressortir les éléments qui ont contribué à la réussite de cette manifestation de 16 février 1992. Et j’en retiens trois. Le premier facteur c’est une prise de conscience collective des enjeux et défis du moment. Je retiens et souligne le terme : collective. Une prise de conscience collective, par ce que le mot clé de la marche du 16 février c’est ; Ensemble. Ensemble, nous avons réfléchi, nous avons analysé. Ensemble nous avons décidé une action. Ensemble nous avons mené cette action. Ensemble, nous évaluons cette action. Et ensemble, nous devons continuer le combat. Donc une prise de conscience collective. C’est le premier élément. Aujourd’hui, n’y a-t-il pas une faille de ce côté-là ? N’y a-t-il pas de problème de ce côté-là ? Cette prise de conscience collective, ne nous fait-elle pas défaut aujourd’hui. Le deuxième facteur c’est une organisation avec un leadership efficace, un leadership d’équipe. Aujourd’hui nous sommes en train…et nous avons repris  en quelque sorte l’héritage mobutien, que dis-je, l’héritage léopoldien, n’est-ce pas de « l’autorité morale », du leadership unique. D’un leadership, je dirai, totalitaire…autocratique. N’est-ce pas ce que nous vivons avec toutes ces  « autorités morales » à gauche et à droite, auxquelles tout le monde doit se soumettre, du moins ceux qui s’en réclament ? Il nous faut une organisation avec un leadership d’équipe. Un leadership d’équipe c’est un peu comme une sorte de…hydre. Ceux qui connaissent, l’hydre, c’est cette bête qui a plusieurs têtes. Lorsqu’on coupe une tête, eh bien d’autres têtes continuent. Donc on ne peut pas tuer l’hydre…à moins de couper tout, mais dès qu’on coupe une tête ici, l’autre tête continue…et, ça marche. Un leadership d’équipe c’est le deuxième facteur. Et aujourd’hui, mes chers amis, je suis convaincu que si nous avons un problème sérieux, c’est le problème du profil de leader. Il faut qu’on y réfléchisse. Troisième facteur, c’est l’élaboration et l’exécution des stratégies d’actions efficaces qui touchent aux causes profondes de la situation et pas aux conséquences. Lorsque nous nous attaquons aux conséquences, nous croyons éliminer le problème, mais, en réalité nous n’avons pas éliminé le problème. Nous avons réduit peut-être l’idée que nous nous faisons du problème, mais les causes étant restées là, eh bien les conséquences vont revenir. C’est la raison pour laquelle nous tournons en rond.

Et de paraphraser Mungul Diaka sur sa parabole du véhicule dont on n’a changé que le chauffeur

« On a l’impression qu’il n’y a rien qui change, il n’y a rien qui bouge. Pourquoi ? Parce que, bien, nos stratégies ne touchent pas toujours les causes, les vraies causes. Nos stratégies ne changent pas le système, ne touchent pas au système. Et ici je donne raison au Vieux Mungul Diaka, à l’entrée de l’Afdl lorsqu’il disait : «  on a changé de chauffeur, mais le véhicule est toujours le même, qui plus est, il est en panne.» Il est en panne. Effectivement, aujourd’hui, c’est là notre problème : nous sommes dans un système qui est en panne, et nous congolais, nous ne le réalisons pas toujours. Nous croyons que c’est l’unique système, et nous ne pouvons que rester dans ce système, mais changer d’animateur, changer de chauffeur. Et, le chauffeur qui arrive, qu’est-ce qu’il fait? Il fait rien d’autre que ce que le chauffeur avait fait, n’est-ce pas ? Et alors, quel changement nous obtenons ? Aucun. Pourquoi ? Parce que, le système étant resté le même, eh bien ? Nous tournons en rond.

S’ébrouer du capitalisme libéral pour survivre, pour vivre vraiment libre

Et ici, il est important que nous puissions nommer ce système. Il est important que nous puissions le nommer, parce que un médecin ne peut, disons guérir ou soigner son malade que s’il a diagnostiqué la maladie et la cause de la maladie. Et le système qui est la maladie dont nous souffrons a un nom, et j’ose le dire ici, haut et fort. C’est le fameux système capitaliste libéral. Il y en a qui ont osé dire cela, et qui ont perdu leur vie. Nous le savons à travers l’histoire de l’Afrique et du monde. Parce que c’est un système puissant, ou en tout cas qui donne l’air d’être puissant. Et moi je le dis, ce système c’est comparable à ce qui est dit dans l’Apocalypse. La puissance de ce système en fait, c’est une puissance que je qualifierai de puissance…semblant. Parce qu’ils sont capable de mettre fin à ce système pour le remplacer par un autre système. Et ici, je m’en vais qualifier les choses. Pour moi, personnellement, nous sommes en face d’un choix. Le choix entre un système fondé sur le primat de l’avoir, le primat du profit, le primat des choses, du matériel, de l’économique, et un système fondé sur le primat de l’être ? Et ce choix-là est fondamental. Ce choix-là est fondamental et déterminera l’avenir non seulement du Congo, mais de l’Afrique et du monde. Et aujourd’hui, je me rends bien compte que le choix dans lequel nous vivons c’est le choix de l’avoir, et c’est au nom de cet avoir là qu’on tue, des milliers et des milliers des gens, qu’on fait des génocides, c’est au nom de cet avoir, qui n’a pas de CŒUR. Qui n’a pas d’âme. Qui n’a pas de sens humain. Et donc ça signifie que quelque part, pour moi le 16 février, si nous devons en avoir beaucoup, c’est dans le sens d’une marche qui partira d’un choix fondamental, choisir un système fondé sur le primat de l’être et, marcher et marcher dans la construction d’un monde plus solidaire, plus fraternel, et je dirai tout simplement humain. Et, je voudrai terminer par là : en disant que sûrement, aujourd’hui que cela n’est possible que dans un mouvement de réconciliation nationale, dans la justice et la vérité. Une réconciliation nationale que nous avons raté à la fin de la Conférence Nationale qui avait ça comme objectif, nous avons raté le coche. »

                                                                                                             Freddy Kabeya