Jacques Matand, ce congolais licencié de la BBC nous parle de son ouvrage piège avant de nous exhorter à plus lire

Dans un entretien nous accordé ce mercredi 31 mars, Jacques Matand nous donne un bref aperçu de l’ouvrage de Charles Onana dont l’interview dédiée lui avait coûté son poste à la BBC.  Cet ancien journaliste de Radio Okapi avait rejoint la BBC où sa carrière s’est arrêtée nette le 7 février 2020, quelques mois après la diffusion de l’interview par lui accordée à l’écrivain franco-camerounais Charles Onana autour de son ouvrage « Rwanda, la vérité sur l’opération Turquoise : Quand les archives parlent ». Ce licenciement avait soulevé l’opinion mondiale qui indexait l’instrumentalisation rwandaise des grands médias internationaux. S’exprimant sur la question, Charles Onana estimait que le licenciement du journaliste congolais était « une action délibérée visant à empêcher les journalistes du monde entier de parler librement de la tragédie de 1994 au Rwanda ainsi que du pillage et de la balkanisation du Congo dont Kigali est aujourd’hui et depuis deux décennies l’épicentre .»

Aujourd’hui de retour dans sa patrie, Jacques Matand nous accorde un entretien plus engagé sur le front littéraire.

  • abcommunication.info : Un résumé du livre de Charles Onana sur le génocide rwandais ?
  • Jacques Matand : En fait, le livre de Charles Onana, c’est la vérité sur l’Opération Turquoise. « Quand les archives parlent », c’est ça le sous-titre. Alors je lui ai demandé : « qu’est-ce que vous dites dans ce livre qui n’a pas encore été dit ? » Et c’est là que l’auteur va m’aider à comprendre que dans chaque stratégie, dans chaque situation militaire ou de conflit, chaque chef de guerre ou chaque militaire a une logique que l’on voit par le déplacement de ses troupes. Et lui ayant consulté plein d’archives, de l’ONU et d’autres, ça lui a permis de comprendre la logique de fonctionnement…ça m’a permis de comprendre que dans le livre il y avait un savoir, il y avait une analyse approfondie et poussée qui lui a permis d’étayer certaines thèse qu’il argumente sur base de documentations qui n’ont jamais été contredites jusque-là par ce que le livre a été un grand succès. Mais l’histoire entre le Rwanda et la RDC c’est des histoires qui seront toujours lues et qui seront et qui seront suffisamment alimentées et documentées.
  • abc : Quelle place accordez-vous à la lecture dans la confection d’une personnalité ?
  • JM : La lecture c’est quelque chose de fondamentale, de très très important, mais malheureusement on lie la lecture aux études alors que la lecture devrait devenir un plaisir, un mode de vie, une habitude, une façon de vivre au fait. Il y a certaines personnes qui disent « dites-moi qui vous lisez, je vous direz qui vous êtes ou ce que vous lisez détermine ce que vous devenez ou que vous êtes ». Par ce qu’il y a des idées, des auteurs… donc pour moi la lecture est devenue au fil du temps quelque chose de fondamentale… Je parlais tout à l’heure avec le professeur Budimbani, quand j’étais étudiant il nous disait toujours de lire, je ne le prenais pas trop au sérieux, en considération, mais aujourd’hui je trouve qu’il avait raison et chaque jour je cherche de lire, ne serait-ce que 5 à 10 pages.
  • abc : Vous lisez en numérique ou bien en dur ?
  • JM : Les livres je les lis plus sur papier, euh encore du mal à les lire sur écran. Mais sur les écrans je lis plein de textes, des articles… Sur les écrans je lis plus les articles, mais sur papier je lis plus les livres.
  • abc : Quand on parle livre on mélange plusieurs genres : il y a des livres de formation, il y a des genres littéraires bien précis, poésie, roman, nouvelle… Quel genre préférez-vous personnellement ?
  • JM : La préférence ? Je préfère les bons livres. On les retrouve dans tous les registres. Des livres politiques, il y en a des bons. Des romans il y en a des bons…des livres d’enquête. Mais j’ai beaucoup plus un penchant pour des romans qui sont policiers mais très bien écrits, les polars j’adore. Par ce que c’est la construction des récits. Et en tant que journaliste quand l’on raconte des histoires j’aime bien le style policier car certains auteurs sont très forts dans l’écrit et du coup je préfère plus les policiers. Et je lis bien sûr des romans littéraires, scientifique et tout ce que vous voulez.
  • abc : Lire pourquoi faire ?
  • JM : Lire pour meubler son esprit. Lire pour meubler son vocabulaire. Lire pour former sa personnalité. Lire en fait pour donner la nourriture à son cerveau qui a besoin de lecture pour se développer. Sinon votre cerveau sera mal nourri, « kwashotkoré » et votre intelligence sera réduite de manière assez impressionnante par ce que vous serez en fait bête. Je dis ceci : l’intelligence et la bêtise ça s’entretient de la même façon. Celui qui chaque jour apprend quelque chose il devient intelligent par ce que chaque jour il rajoute un petit savoir et celui qui n’apprend pas s’abrutit chaque jour. Et petit à petit il redevient bête, et c’est sur le long terme que l’on va se rendre compte de la différence de celui qui a lu chaque jour et celui qui n’a pas lu chaque jour. Celui-là aura un peu plus de connaissance et celui qui n’a pas lu deviendra de plus en plus bête.

                                                               Propos recueillis par Freddy Kabe