Kinshasa : Gecoco face au non-paiement des 435 policiers affectés à l’hôtel de ville et des membres de cabinets du gouvernement provincial de Kinshasa

L’image reste dans la tête : le vice-gouverneur de Kinshasa, Gérard Mulumba Nkongolo, dit Gecoco,  très en chaleur, sautant presqu’au pas de sa jeep dans un scénario très millimétré, ajustant sa veste taillée sur mesure genre boude-djatense de sapeur, suivi au pas par une meute de caméra comme en travelling, buvant ensuite avec délectation les honneurs du corps de garde jusqu’à la lie, pendant qu’au dehors un fan club en feu alignait des djalelo d’un jour de transe…

Cela détonne du cliché du jour d’avant avec le gouverneur titulaire Gentiny Ngobila Mbaka très en biceps, gratifié d’un sec garde-à-vous au corps de garde, avant un époustouflant prend-moi-photo devant quelques militants de son parti politique dans les locaux même de l’Hôtel de Ville.

Il faut rappeler que le Gouverneur de la Ville Province de Kinshasa, Gentiny Ngobila a été suspendu après avoir été indexé par la Commission Electorale nationale Indépendante (CENI) comme étant de candidats aux élections du 20 décembre 2023. Prenant mal sa double sanction, Ngobila s’était engagé dans un bras de fer contre et la CENI, et le gouvernement central.

Mais la réalité de la gestion de la ville province de Kinshasa est loin d’être un aussi léger vaudeville que les deux mises en scènes nous gratifiées ces deux derniers jours. Loin du pourrissement de la salubrité de l’écosystème urbain, le quotidien des agents et cadres de la ville est dans une situation de loque. Et l’actuel gouverneur intérimaire lui-même s’en était ouvertement ému en déclarant : « …dépourvus des salaires, je me demande comment les ministres provinciaux, les membres de leurs cabinets respectifs, ceux du cabinet du gouverneur, le personnel d’appoint de l’Hôtel de ville ainsi que les policiers y affectés s’acquitteront de leurs obligations parentales … N’ayant pas la gestion financière dans mes attributions, mes larmes coulent pour mes administrés… »

Cela avant de lister de façon explicite les 10 points suivants, comme plombant l’administration urbaine de Kinshasa :

  1. Le non-paiement des ministres et les membres de leurs cabinets depuis 26 mois ; même sort pour les 435 policiers affectés à l’hôtel de ville;
  2. Aucune convention médicale pour la couverture santé des agents administratifs de l’hôtel de Ville, les soins ne sont ni pris en charge, ni remboursés ;
  3. Impossibilité de faire fonctionner les services de la Ville, les frais ad hoc inexistants ;
  4. Les services du vice-gouverneur confirment que depuis qu’ils sont en fonction, il n’y a eu que deux conseils des ministres, c’est aberrant dans une ville dont la population équivaut à deux fois la population du Gabon (sic) ;
  5. Nominations aléatoires en toute camaraderie et violation des us en ce qui concerne la collaboration sur ces questions avec son adjoint;
  6. Aucun monitoring sur l’action gouvernementale, le gouverneur fonctionne sur base d’affinités, arrive au bureau aux heures et jours qui le conviennent et passe l’essentiel de ses instructions au téléphone ;
  7. La ville n’a que deux camions truck pour fonctionner, la société RASKIN n’a reçu aucun frais de fonctionnement depuis l’accession du gouverneur à la tête de la ville, donc depuis Kimbuta, pas de carburant, pas d’achat d’engins neufs, ni de camions pour assurer la salubrité, deux camions en état de délabrement avancé pour 26 communes ;
  8. Quatre camions anti -incendie et qui ne se déplacent que si la victime assure le carburant. Dans la majorité des cas, ils arrivent tellement tard juste pour la figuration. Au demeurant, depuis le gouverneur Kimbuta ils n’ont jamais reçu des frais de fonctionnement ;
  9. La ville est fortement endettée, certains baux résiliés et des services de la ville en procédure de déguerpissement ;
  10. Le gouverneur, l’autorité des rendez-vous manqués, ne communique que sur des faits divers, aucune communication de crise. La ville ne parle pas à ses administrés et ces derniers ne voient aucune perspective.

 

La sortie audacieuse de ce réquisitoire en 10 points était un acte de schisme un peu comme les effets des « 95 thèses contre les indulgences » publiées en 1517 par le moine augustin Martin Luther et qu’il avait lui-même placardées, geste qui amena à la naissance de l’Eglise Protestante. Et, c’est cette meute de protestants de l’Hôtel de Ville, qui s’étaient mêlés aux combattants ayant accompagnés hier Gecoco dans sa mise en scène.

Nous savons tous que la pose du diagnostic suivie d’une anamnèse ténue, reste la partie la plus délicate dans la médication. Pareil dans la conduite des affaires publiques et privées : on investit un gros potentiel en termes de temps et des moyens pour établir le bon diagnostic.

Et, maintenant que le Grand Protestant Gecoco a et le beurre, et l’argent du beurre l’opinion avertie met l’ad interim en face de son réquisitoire d’il y a 4 mois tout en lui rappelant qu’il a suffisamment du temps matériel, ainsi que de toutes les ressources requises pour remonter une à une les priorités.

A titre exemplatif, lorsque l’on prend en tête du réquisitoire de Gecoco l’on retrouve « Le non-paiement des ministres et les membres de leurs cabinets depuis 26 mois ; même sort pour les 435 policiers affectés à l’hôtel de ville ». Rien d’anodin, juste de mettre dans la peau des miséreux indexés, et de nous demander comment ces vaillants contribuables de l’état se démènent pour nouer les deux bouts du mois !

Dans l’effréné défilement de l’actualité mode Réseaux Sociaux, aujourd’hui déjà l’on ne s’arrête plus à la séquence boude-djatense d’hier. Et l’on ne pourrait pas passer outre les souffrances, ce n’est pas une actualité qu’on effeuille, ce sont de trames de vies sur lesquelles l’on doit s’appesantir : ces policiers, ces membres de cabinets des ministres provinciaux, ce sont des pères et mères des familles. Le salaire ayant un caractère alimentaire, comment est-ce que le gouverneur suspendu pouvait-il supporter de savoir que les familles de ses engagés non-alimentés il y a de cela aujourd’hui plus.

En guise de conclusion, nous nous remettons des captures d’écran d’une ancienne caricature de Djemba Djeiss dans le Journal Télé en Lingala Facile.

 

Traduction en français de la séquence.

Notre « Jeunnot en Casquette »  nous conte aujourd’hui un poignant drame pourtant quotidien relaté en caricature signée comme toujours par Djeiss Djemba.

C’est peu dire que de dénoncer les terribles passes que nous font traverser nos officiels par les abus récurrents qu’ils tireraient en nous faisant languir quant à la signature de nos documents et actes administratifs vitaux. Suivons.

  • Maman Secrétaire, nous venons nous enquérir du sort de notre dossier, voici 5 mois que nous restons impayés à cause de ça.

Et la secrétaire de leur répondre sèchement :

  • Je vous l’ai déjà répété, vous devez attendre la signature du Chef.

Traduction en français de la séquence.

  • Resignés, les agents rentrent chez eux.

Au bout d’une interminable attente, les agents répliquent encore trois mois plus tard.

Sans cœur, la Secrétaire les sermonne :

Mais, chers bonshommes, ne vous avais-je répondu d’attendre la signature du Chef ? Allez, voyons ce qu’il en sera dans les 3 prochains mois.

Cœurs serrés, les agents, partagés entre la famine et la désillusion, n’eurent d’autre choix que de rentrer la queue entre les pattes.

6 mois après, des agents ne subsista que l’ombre d’eux-mêmes, au propre comme au figuré. Mais ils se risquèrent quand-même de revenir voir la secrétaire.

Et la Secrétaire elle-même s’affola à leur vue :

  • Hiii ! Bon Dieu, des fantômes !

Traduction en français de la séquence.

Quelle atrocité !  ça fait mal ! Et au Vieux Ntiri-Ntiri d’intervenir :

  • Lamentable ce que nous endurons à cause de ces fameuses signatures ! Et, on en meurt par ici ! Chères autorités, nous vous prions de changer d’attitude, ce sera nous rendre amplement service ! Vous qui avez la délicatesse charge de signer les actes et documents administratifs, acquittez-vous de cette tâche avec humanité. Evitez-nous de devenir les ombres de nous-mêmes en attendant toujours votre bon vouloir. Nous en deviendrons des pires caricatures !